L’auto censure, la peur de l’échec, l’image d’une filière peu compatible avec la famille, les loisirs… être une chercheuse en mathématique, physique, chimie, informatique, c’est impossible ?
Sharon, Anne, Ombline, Claire et Alexandra jouent cartes sur tables et démontent un à un les clichés, sous l’oeil complice de deux hommes engagés pour la mixité. On se dit tout avec franchise et enthousiasme, pour tordre le cou à trop d’idées reçues. Rencontres avec des normaliens… comme les autres.
Il s’agit de réinscrire l’enseignement des sciences et de la recherche dans ce qui est
son foyer de développement, autour d’un large vivier de talents.
À travers ces témoignages pris « sur le vif », il s’agit de démontrer que les sciences
dures sont accessibles à tous ceux qui ont un intérêt dans les matières scientifiques,
dès le collège et le lycée, et donner une image renouvelée des métiers de
l’enseignement et de la recherche scientifique, loin des stéréotypes.
En filigrane, l’approche transversale des enseignements à l’ENS y est abordée et
montre tout l’intérêt de mettre un terme à la vision binaire d’une orientation soit
scientifique, soit littéraire, sans passerelles ni dialogue.
L'École normale supérieure souhaite investir pleinement la problématique de la mixité et de la diversité dans les sciences “dures”, un enjeu démontré à nouveau par une récente étude menée à sa demande par le département des sciences sociales de l’école, rapport qui ne doit pas rester lettre morte
Si ce constat touche l’ensemble de l’enseignement supérieur, l’ENS entend affirmer sa légitimité pour faire évoluer ces postures dans la mesure où :
► elle se positionne comme un acteur incontournable de l’enseignement et de la recherche en mathématiques, physique et informatique.
► elle se doit d’être exemplaire de par sa mission de service public.
Il s’agit de réinscrire l’enseignement des sciences et de la recherche dans ce qui est son foyer de développement, autour d’un large vivier de talents.
« C’est impossible de s’auto-évaluer sur un concours : il faut essayer ! »
« Ils sont tous formés par la recherche, ils passent je pense un très bon moment à être formés par la recherche, et puis il y en a qui vont faire autre chose, par exemple il y en qui vont dans les entreprises, et dans les entreprises ils vont parfois dans les centres de recherche et développement, mais pas seulement, ils font autre chose. »
« Même les biais implicites ne sont pas figés dans le marbre, on peut, en offrant des approches d’échange entre les gens, changer ces biais là »
« C’était important pour moi d’aller dans une école généraliste. »
« On trouve des normaliens dans tous les penseurs de la société qui ont créé des directions nouvelles, ont eu des idées originales, parce qu’ici, l’originalité est soutenue par la liberté que l’on donne aux gens. »
« Dans un sens, faire des maths ça m’aère de la musique et faire de la musique, ça m’aère des maths, finalement je peux faire les deux, beaucoup ! »
« On tire toujours son épingle du jeu, il faut se faire confiance et se faire violence un petit peu pour se forcer à avoir de l’ambition » »
« Le manque de jeunes filles touche l’ensemble de la filière scientifique dans l’enseignement supérieur. Mais, L’ENS entend affirmer sa légitimité pour faire évoluer ces postures. »
Marc Mézard, directeur de l'ENS
Ce rapport soulève des enjeux au coeur des problématiques sociales et politiques : ► ouverture sociale des classes préparatoires et des grandes écoles ► représentation des femmes dans les filières de sciences dites « dures ». (Mathématique, Physique, Informatique) Deux questionnements rarement croisés : on s’inquiète de la sous-représentation des femmes dans les filières scientifiques, mais il fau rappeler que seuls 4,6% des enfants d’ouvriers non qualifiés ont obtenu un bac S en 2002 contre 41% d’enfants de cadres.
Même si l’effet « classe » apparaît bien plus fort que l’effet « genre », l’orientation post-bac montre une sous-représentation des femmes, dans les sections ayant trait aux mathématiques et à la physique, alors que biologie et géologie, associées à médecine présentent des taux de femmes supérieurs et égaux aux deux tiers des effectifs. Outre la stagnation voire la diminution de la part des filières scientifiques dans l’ensemble des formations, les modes d’orientation scolaires et professionnels respectent toujours la structuration des filières entre un pôle dominant (masculin et élitiste socialement) et un pôle dominé (féminin et populaire socialement).
Dans les classes supérieures, avoir une mère ou une soeur ainée ayant ouvert la voie des sciences est déterminant dans la levée des stéréotypes sexués relatifs aux études scientifiques. Mais une fois en classe prépa, les cartes scolaires sont partiellement rebattues au profit des garçons et élèves d’origines sociales supérieures. Les appréciations professorales sont fortement différenciées selon le sexe des élèves : aux filles « le sérieux », aux garçons « le potentiel ». Les élèves tendent eux-mêmes à se percevoir selon une partition sexuée qui correspond à ces jugements. L’enseignement attire plus les enfants des classes populaires et la recherche constitue plus un horizon pour les enfants issus des classes supérieures. Par la suite, les concours de l’ENS opèrent une sélection scolaire parachevant un processus entamé bien en amont. Les filles de classes populaires déjà moins nombreuses à l’entrée y sont de plus en plus évincées, par des garçons de classes sociales supérieures.
S’autoriser à présenter un concours réputé difficile apparaît comme une capacité socialement distribuée, les filles s’inscrivent moins que les garçons. Les filles disent plus que les garçons ne pas avoir le niveau (68%).
Téléchargez l'étude : "La production d'une noblesse scientifique : Enquête sur les biais de recrutement à l'ENS"